JAPMANGA

Les écoliers

La petite enfance japonaise est sûrement la seule période qui ne mette pas un frein à l'indépendance, à l'expression personnelle de l'individu. Le bambin, plus encore que le père tout puissant, est le véritable roi de la famille, voire de la société nippone. Objet de soins constants, il jouit de libertés supérieures à celles des petits Occidentaux. Les parents ne corrigent pratiquement jamais leurs enfants. Ils s'efforcent d'obtenir leur compréhension plutôt que d'exiger une obéissance aveugle et leur parlent à cinq ans comme à un adulte. L'appel au bon sens remplace ici menaces et punitions. Par contre un changement radical s'opère dès que le marmot franchit le porche de l'école maternelle.

Au Japon, l'éducation nationale est régie par des concours et par une hiérarchisation des différents établissements (publics et privés). En effet, dès la maternelle, des concours mesurants les "capacités" des élèves sont organisés afin d'orienter les enfants vers le type d'école le plus adéquat.

L'année scolaire est très longue: le nombre d'heures de cours s'élève, en moyenne, à 1050 par an, sans mentionner les heures effectuées dans les écoles spécialisées dans la préparation des concours. Les vacances scolaires sont divisées en trois périodes: deux semaines au nouvel an et au printemps, et quarante jours de suite en été.

Généralement les cours se déroulent le matin, l'après-midi les écoles se transforment en maisons de jeunes, de la culture et en centres sportifs.

Comme pour le reste de la société, l'école est rigidement codifiée et hiérarchisée: le port de l'uniforme est obligatoire et avant de pénétrer dans les établissements, les élèves saluent, tous les matins, le directeur qui est perché sur une estrade.

Le programme scolaire est édité par le ministère de l'éducation, mais la démarche pédagogique est laissée à l'appréciation des établissements. Ainsi, à l'école maternelle d'Ikari à Tokyo, les enfants sont toute l'année et par tous les temps...nus (le torse du moins).

D'après le directeur, cette méthode permet aux élèves de se "fortifier" tant au point de vue physique que psychologique. D'ailleurs les résultats des concours de cette école sont bien au-dessus de la moyenne nationale.

Contrairement à nos pays où la rédaction et la mise en forme des réponses sont tout aussi importantes que l'exactitude des réponses, le système éducatif japonais met l'accent sur la mémorisation des connaissances, en négligeant l'esprit créatif des étudiants. On inculque aux lycéens juste ce qui est nécessaire pour réussir les concours et accéder ainsi à une université de renom.

De plus, au Japon les établissements scolaires sont soumis à un régime de concurrence: les meilleures écoles se battent pour recruter les étudiants les plus performants tandis que les autres se contentent des élèves moyens. Ainsi, il existe une dichotomie entre des lycées préoccupés par le score des concours et ceux où les professeurs sont plus tourmentés par les problèmes de discipline que par le contenu de leurs cours.

Depuis une dizaine d'années, des problèmes d'ordre moral, comme la violence, les brimades et le suicide ont envahi les cours des écoles.

En ce qui concerne la violence il faut distinguer celle des élèves entre eux et vis-à-vis des professeurs. Un record fut atteint en 1982, avec 1404 cas recensés contre les enseignants et 2340 entre les élèves, dans les collèges et lycées publics. Ces chiffres officiels sont bien évidemment en-dessous de la réalité : certaines écoles préfèrent "étouffer" les incidents pour préserver leur image. Les élèves reprochent à leurs professeurs d'être trop sévères et trop inquisiteurs: les châtiments corporels frisent souvent le sadisme. Ces châtiments sont normalement interdits par la loi, mais la position des parents et des professeurs vis-à-vis de ces actes est assez ambiguë. En fait les professeurs d'avant-guerre ont souvent été formés dans des pensionnats, par des militaires de carrière et ces derniers ne manquaient pas une occasion pour faire subir aux nouvelles recrues des brimades corporelles "pour leur bien", selon l'adage très populaire" qui aime bien châtie bien".

Les mangas dépeignent souvent un entraîneur d'une équipe sportive, giflant tour à tour ses joueurs parce qu'ils ont perdu un match, ce qui a pour effet d'augmenter la motivation de l'équipe. Donc ces coups seraient de ce point de vue excusables...dans les mangas.

Parallèlement à la vague de violence, un nouveau problème est apparu, celui des ijime. Il s'agit de brimades, mais qui couvrent un champ plus large que les plaisanteries habituelles: violence verbale, extorsion, raquet, ostracisme.

En 1995, l'hebdomadaire de mangas Shûkan Shõnen Jump publiait des planches relatant un fait réel d'ijime dans une école. Il était prévu une page consacrée aux réactions des lecteurs, mais les réponses furent trop nombreuses (1800) et les éditeurs ont préféré publier les 200 lettres les plus intéressantes.

Le suicide est un autre fléau du système éducatif nippon, même si il est erroné de penser qu'on se donne la mort plus fréquemment au Japon qu'ailleurs. En effet, en 1986, un millier de Français de moins de 24 ans se sont suicidés. Au Japon, les chiffres sont identiques, pour une population plus que double de celle de la France. D'après le ministère de l'éducation, il y aurait eu, en 1994, 166 suicides d'adolescents scolarisés dans le public.

La solitude et l'échec semblent être les deux raisons principales du suicide des jeunes. Le rôle du groupe est si important au Japon qu'en être exclu ou bien subir des ijime conduit souvent la victime vers le suicide. Okouchi Kiyoteru, un adolescent de seize ans, a été retrouvé par ses parents pendu dans le jardin. Une note expliquait qu'il était régulièrement rançonné ( 350 000 Bef) et maltraité par un groupe de condisciples. Ne trouvant plus l'argent et n'ayant pas eu le courage de se confier à ses parents, il a préféré se donner la mort. Les médias ont largement fait écho de cette lettre et l'opinion publique s'est indignée. Quelques semaines plus tard, d'autres suicides se succédèrent.

De nombreux mangas pour les adolescents mettent en scène la persécution des jeunes jugés faibles ou trop différents par leurs camarades. Ne trouvant pas d'écoute au sein de leurs familles ou auprès de leurs professeurs , ces jeunes préfèrent se donner la mort.

C'est un sujet de débat permanent au Japon, mais le ministère de l'éducation, structure intouchable, reste figé dans sa tradition.

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