JAPMANGA

L'autre

Au Japon on sait que l'autre est radicalement autre. Jusqu'au début des années 90, quand on arrivait avec nos corps de barbares blancs à l'entrée de l'aéroport de Narita, les Japonais suivaient la file attribuée aux autochtones et les barbares celle où était affiché ...alien. L'autre vient vraiment de loin, ce n'est pas un étranger mais un extra-terrestre.

Les relations qu'entretiennent les Japonais avec les autres peuples sont souvent assez ambiguës.

Sont établis depuis de nombreuses générations, au Japon quelques 700 000 Coréens. Quelque peu comparables aux immigrés italiens aux Etats-Unis, les Coréens au Japon semblent monopoliser le marché noir, la prostitution, les cabarets, les jeux de hasard (d'ailleurs interdit au Japon), les dancings...

Mais cette minorité ne peut justifier la haine farouche que leur témoigne la plupart des Japonais. Aux yeux de l'opinion publique, chaque meurtre ou méfait est inévitablement commis par un Coréen, bouc émissaire préféré des Nippons. Les Japonais seraient-ils racistes?

Au Japon, contrairement à d'autres pays, la couleur de l'épiderme n'est pas un facteur de critère des qualités humaines. Ce "racisme" tient plutôt du chauvinisme, de cette tendance qu'a ce peuple à se croire unique sinon supérieur au reste de l'humanité. Il suffit pour s'en convaincre de noter combien les Japonais aiment à répéter l'expression: Waré Waré Nihonjin (nous les Nippons). Ils adorent leur pays jusqu'à confondre "nippon" avec "perfection". Les Japonais ont tendance à traiter de haut leurs frères d'Asie et regrettent sûrement le temps où ils les avaient comme vassaux.

Tout en étant parfois conscient des problèmes qui subsistent au sein de son pays, l'homme de la rue n'apprécie généralement pas du tout les critiques négatives et s'attend à ce que tout le monde admire sans réserve la patrie bien-aimée.

En 1969, un ambassadeur du Japon avait écrit un bouquin destiné à démasquer son pays. Avec une franchise qu'adoptent rarement les diplomates de carrière, l'auteur brossa de ses concitoyens un tableau peu reluisant et mit l'amour-propre national à rude épreuve. Cette satire n'a pas beaucoup plu au gouvernement et monsieur l'ambassadeur s'est retrouvé sans emploi. Il lui a été surtout reproché d'avoir écrit son livre en anglais. S'il l'avait publié en japonais, l'outrage aurait été moindre car on préfère laver son linge sale en famille.

Quant aux blancs, il faut opérer une distinction entre le vieux et le nouveau monde. On respecte les Américains, certains les admirent, mais peu les adorent réellement. L'humiliation durant la dernière guerre, le fait de la prolifération atomique, les exigences économiques et politiques américaines font que les Japonais entretiennent une relative rancune envers l'Amérique.

En revanche, les Européens jouissent dans l'Archipel d'une très large popularité et plus particulièrement la France et l'Italie (les deux pays européens les plus visités par les Japonais).

Les destinations habituelles pour les jeunes couples fraîchement mariés dépendent bien sûr de leur budget. Hawaii est la destination la moins onéreuse et la plus fréquentée, par contre passer une semaine à Bruges s'avère être le summum de l'exotisme pour un Japonais.

De même, dans certains clubs de golf, le règlement stipule l'interdiction des étrangers. A 20 kilomètres de Tokyo, un tel club possède huit étrangers sur 1100 inscrits: tous des européens.

Il existe deux termes pour nommer un étranger: le gaikokujin et le gaijin. Le premier désigne simplement une personne d'une autre nation, tandis que le mot gaijin comporte une nuance émotionnelle de distance et désigne les Occidentaux, d'origine européenne et américaine. Le gaijin a un pouvoir d'attraction, de séduction envers les Japonais; il suffit pour cela de répertorier les étrangers célèbres utilisés par la publicité, comme Alain Delon, Madonna ou Arnold Schwarzeneger.

Cette représentation positive de l'Occidental s'explique par un contexte historique et social. Avant l'ouverture du Japon au monde, la vision de l'autre était surtout celle des pays asiatiques voisins. L'arrivée des blancs a créé un sentiment d'exotisme dans l'esprit des Japonais. De même lors des différents voyages en Occident, l'élite nippone était influencée par l'éducation sophistiquée de leurs interlocuteurs et a assurément contribuée à cette perception prestigieuse de l'homme blanc.

Tous les Occidentaux sont cordialement accueillis par les familles autochtones. Toutefois, ces liens se cantonnent aux relations mondaines et dépassent rarement les rencontres autour d'une tasse de thé.

Le Japonais actuel n'est à sa manière pas xénophobe. Au contraire, la rencontre avec le gaïjin est pour lui une aventure intellectuelle passionnante qui le sort pour un temps du cadre rigide de sa routine journalière.

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