JAPMANGA

Historique

Si l'on sait, on peut imiter, si on imite on peut maîtriser, si on maîtrise on peut créer.

Depuis l'époque Meji et donc l'ouverture du Japon au monde en 1865, des dignitaires nippons ont effectué de nombreux voyages en Europe et aux Etats-Unis pour comprendre et éventuellement s'inspirer de certains aspects politiques, économiques et sociaux des pays occidentaux pour préparer le Japon à la modernité. Ainsi le code civil japonais avait été rédigé par le juriste Boissonade sur le

modèle du code Napoléon et promulgué en 1890. Touchant à des questions sociales fondamentales, heurtant d'autres tendances juridiques, il suscita une levée de boucliers. Un nouveau code, plus proche du code allemand fut alors élaboré en 1896 et resta en vigueur jusqu'à la deuxième guerre mondiale.

Autre exemple éloquent de cette assimilation "occidentale", l'uniforme strict à col dur, aux boutons dorés, que portent encore à l'heure actuelle les collégiens du Japon est une réplique exacte de l'uniforme des étudiants du collège Stanislas à Paris en 1890. L'armée non plus n'y a pas échappé: la marine britannique a servi de modèle pour les uniformes des matelots, tandis que les fantassins japonais portaient des uniformes analogues à ceux à l'armée de terre prussienne. Au VI e et VII e siècle le Japon importe les techniques de dessin chinois, ainsi que l'encre et les pinceaux . Depuis est apparu un genre pictural où s'élaborent côte à côte les codes graphiques et les codes textuelles. Cet héritage va permettre, au IX e siècle, l'élaboration de la technique de l'E-Makimono. Il s'agissait d'un rouleau horizontal formé de plusieurs feuilles illustrées, disposées en séquences et qui relataient des contes, des récits guerriers ou tout simplement des épisodes de la vie quotidienne.

Longues d'environ trois mètres, ces oeuvres combinaient des textes calligraphiés, appelés Kotobagagi et des illustrations. Les lecteurs pouvaient ainsi lire les différentes scènes, comme on examine les illustrations d'un livre. Selon certains cette mise en page préfigurait plus la naissance du cinéma sous la forme d'un storyboard, que du manga proprement dit.

Les Chô-jûgigas, née de la main d'un ecclésiastique nommé Toba au XI e siècle, étaient une forme populaire d'E-Makimono; il s'agissait de dessins satiriques représentants des animaux (grenouilles, chevaux, lapins..) dans des positions et actions anthropomorphes, à la façon des fabulistes; et ils s'imposèrent comme un repère significatif de l'histoire du dessin humoristique japonais.

Les E-Makimono étaient au départ destinés à plagier les oeuvres venues de Chine. Le travail étant considérable, les artisans ont instauré une division des tâches. Ceci a amené une spécialisation des artisans pour les calligraphies, le coloriage, l'impression, pour les paysages, les différents personnages...

On retrouve cette division du travail encore à l'heure actuelle dans certains ateliers de production de mangas. En effet, les cadences de productions étant hebdomadaires, les mangakas (dessinateur, auteur) à succès sont obligés de s'entourer d'assistants. L'auteur s'occupe du scénario, de la mise en page et dessine les différents personnages. Quant aux assistants, il s'affairent à mener à bien tout ce qui est coloriage, décors, encrage.. Mais certains d'entre eux élaborent des planches entières.

Toujours dans ce mouvement d'assimilation et puis de création, l'E-Makimono va donner naissance, entre le Xe et le XIe siècle, à une technique et un style typiquement nippon: le Yamato-E. Ce nouveau genre va faire éclore au Japon ses premières oeuvres littéraires, son système syllabique kana (v.infra), ainsi que les deux principales conventions graphiques que l'on trouve toujours dans le manga moderne:

La technique du toit arraché: il s'agit de dessins aux lignes fluides qui adoptent une perspective de haut, sans toit. Cette méthode place les personnages, ainsi que les objets les uns au-dessus des autres, donnant par là même une illusion de profondeur.

La technique du Hikime-Kagihana: c'est un style caractéristique utilisé par les artistes nippons dans la représentation physique des personnages. Il s'agit de dessiner des visages simplifiés à l'extrême, difficilement reconnaissables: deux points pour les yeux, un trait crochu pour le nez et un point rouge pour la bouche. Cette technique n'est pas toujours appréciée; selon les détracteurs, cette simplification extrême n'est en fait qu'une faute de goût. Dans les mangas modernes, on retrouve encore actuellement cette tendance à la simplicité. Les personnages sont parfois différenciés par un simple détail: dans le manga Ramma ½ de Rumiko Takahashi, les trois soeurs du héros sont caractérisées par le nombre de nattes de leur coiffure. Une calvitie, une tonsure, un simple trait pour désigner une cicatrice, sont autant de détails pour différencier des personnages, qui à défaut auraient vite fait de provoquer la confusion dans l'esprit du lecteur.

Dans la période qui s'étend entre le XVe et le XIXe siècle, on ne trouve plus de trace de récits en images, mais c'est également l'époque où apparaît une nouvelle forme d'illustration.

Les Ukiyo-E sont des estampes de l'époque d'Edo du XVIIe au XIXe siècle, qui ont été un tournant dans l'histoire de l'art japonais et qui, en Europe, ont inspiré des peintres comme Van Gogh, Klimt ou Lautrec. Dans des livres et carnets de cette époque, les dessins représentaient la somme ésotérique de superstitions et connaissances en astrologie, géomancie et démonologie.

Toutes ces sciences occultes d'influence chinoise avaient également imprégné le Japon.

Ukiyo-E est tout d'abord un terme bouddhique qui renvoie à la nature éphémère de la vie. Jusqu'au XVIIIe siècle, son sens était plus austère et se traduisait par " image du monde transitoire" ou " du monde de misère". A partir d'Edo ( époque antérieur à l'ère Meji 1616-1865) , l'éphémère est attribué plus spécifiquement au monde du plaisir et à l'érotisme; l'Ukiyo-E devint alors une "image du monde flottant". A ce moment le peuple japonais commence à créer des oeuvres pour son propre plaisir, divertissantes, faciles à comprendre, faciles d'accès ,et comme le manga aujourd'hui, elles s'adressaient au plus grand nombre.

Après la révolution de 1865, le Japon ouvre ses frontières au monde et par là même, importe des nouveaux styles et des techniques de dessin différentes, qui vont profondément influencer les artistes nippons.

Un britannique, Charles Wirgman, correspondant à l'étranger pour le quotidien The Illustrated London News, s'installe au Japon et fonde dès 1862, un magazine satirique: The Japan Punch. Comme d'autres titres inspirés ou traduits de la presse occidentale à l'intention des étrangers vivant au Japon, il intègre dans ses pages des caricatures et des bandes dessinées.

Ce magazine aura un succès continu jusqu'en 1887 et va inspirer des dessinateurs célèbres comme Rakuten Kitazawa, fondateur du premier magazine satirique japonais.

A l'aube du XXe siècle, sous l'influence des publications américaines, on voit apparaître des bandes dessinées dans la plupart des quotidiens japonais.

En 1914, l'éditeur Kõndansha lance pour la première fois un magazine destiné exclusivement aux jeunes garçons, Shõnen Jump. Parmi de nombreuses rubriques, la bande dessinée fait une apparition remarquée. Suivront quelques années plus tard, Shõjo Club pour les filles et pour les plus petits Yõnen Club.

Dans les années 20, on commence à éditer des publications entièrement dédiées au manga. Le support devient autonome à grand tirage, avec une présentation qui anticipe largement sur ce que seront les comic books américains, encore à naître.

Les jeunes feront de ces fascicules un succès tel, qu'un réseau de librairies spécialisées vont apparaître presque aussitôt. Tout était désormais en place pour assurer au manga une prospérité certaine.

AstroboyLe manga tel qu'on le connaît actuellement est l'œuvre d'un ancien chirurgien, reconvertit en mangaka et qui est considéré au Japon comme le dieu du manga, Osamu Tezuka. Etant enfant, Osamu-san est fasciné par les bandes dessinées et l'animation de Walt Disney et en 1951, il mettra un terme à sa carrière de médecin pour se dédier entièrement au dessin. La même année, il révolutionne la BD pour enfant en créant Testsuwan Atomu (mieux connu sous le nom d'Astro boy). Son style, alors innovateur, se rapproche de celui du cinéma, le cadrage se fait d'une multitude de manière, la vitesse y est excellemment bien restituée, les intrigues sont dignes des scénarios pour le cinéma.

Tezuka n'était pas uniquement un artiste de bandes dessinées, mais il a également suivi une carrière dans l'animation.

En 1962, il crée les studios Mushi Productions, qui vont produire des dizaines de séries destinées au petit écran et qui vont très rapidement envahir le monde entier. Les Japonais ont vite compris qu'ils ne pourraient jamais concurrencer les Américains dans le domaine du cinéma; en revanche l'animation était un terrain favorable pour la conquête de nouveaux marchés.

Le travail de Tezuka était marqué par son humanisme et par le respect de la vie de tous les êtres vivants. Il suffit pour s'en rendre compte de parcourir quelques-unes de ses publications, comme l'histoire de Bouddha (8 volumes de 400 pages chacun) ou l'histoire des trois Adolf, chef-d'œuvre contant l'histoire de deux amis allemands (l'un juif et l'autre appartenant aux jeunesses hitlériennes) et d'un certain Adolf Hitler.

Aujourd'hui encore Osamu Tezuka reste le plus grand auteur de mangas, aussi bien dans le domaine de la créativité, de la productivité que de la popularité.

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